bruxelles, le mutsaert


s'écoulant de bruxelles comme une tache
cet endroit a emporté de la ville un peu de tout:
ses styles chaleureux et froids, son asphalte
et ses pavés, ses deux langues,
et son relief, mais modérément

on n'y va pas en voyage, mais en visite
on s'y promène le dimanche dans la cité-jardin,
dans une brume qui persiste; on s'y arrête
devant les roses tardives, fragilisées
et assombries par la première gelée nocturne

le plus beau ici, ce sont encore les noms:
le wand, l'allée des moutons, le gros tilleul,
le wannecouter; c'est inévitable, l'herbe sans cesse ici
repousse de bon gré entre les pierres, comme si la vie
à tout hasard n'adoptait aucune forme définitive

seul le mur ceinturant le domaine semble
ne plus jamais devoir quitter sa place, il a un côté
sombre, inconnu, mieux vaut habiter dans
le provisoire, ici près de l'arrêt du tram
où le soleil malaisément perce le brouillard


Traduit du néerlandais par Marnix Vincent

la poète

Aui Van Hee M 40690 4

Miriam Van hee est l'une des poétesses les plus aimées de Flandre et des Pays-Bas. Son œuvre est caractérisée par une grande simplicité, très étudiée, et par une force suggestive qui lui permet de sublimer les expériences quotidiennes. Van hee a fait ses débuts en 1978 avec Het karige maal, un recueil sur la nostalgie, la mélancolie et la solitude. Ont suivi Binnenkamers en andere gedichten (1980), Ingesneeuwd (1984) et Winterhard (1988). En 1998, Achter de bergen lui a valu le Prix culturel de la poésie de la Communauté flamande. Het verband tussen de dagen - gedichten 1978-1996 et De bramenpluk (2002) ont été traduits en français et en anglais. Buitenland (2007, Prix Herman de Coninck) est un recueil qui emmène le voyageur dans un périple à travers des paysages tranquilles, sans fin, vers des régions inconnues et des langues étranges. Le cheminement, le fait d'« être en route », joue à nouveau un grand rôle, de même que la nostalgie d'un chez-soi que l'on ne trouve pas.

Van hee a étudié la philologie slave à Gand. Elle enseigne le russe au Hoger Instituut voor Vertalers en Tolken d'Anvers. Elle a traduit notamment la poésie d'Anna Achmatova (En de nacht belooft geen dageraad) et d'Osip Mandelstam (Zwarte Aarde).

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